« Hey guys, il est trois heures tapantes, vous écoutez Sea and Sun Radio et c'est Percy qui vous accompagne ! Pendant que vous fartez les planches en attendant les grosses vagues et avant que la jolie Katy Perry ne vienne chanter les louanges des filles de notre coin de pays avec son tube California Gurls, j'aimerais vous parler d'une nouvelle qui risque d'abord de surprendre, puis de plaire à plus d'un d'entre vous : Caulfied Hotel lance sa nouvelle formule d'établissements et a jeté son dévolu sur une île au beau milieu du Pacifique pour y construire un nouveau paradis pour les riders de grosses vagues ! Défroncez les sourcils et oubliez vos idées préconçues sur la clientèle vieille, riche et coincé du grand nom de l'hôtellerie : la formule Adventure Caulfield, conçue et dirigée par Aidan Caulfield et non pas son vieux croûton de père, promet de devenir le prochain lieu branché pour les jeunes en quête d'adrénaline ! Et, croyez votre bon vieux Percy, pour avoir été en pensionnat avec Aidan de mes douze jusqu'à mes dix huit ans, les choses ne seront pas faites à moitié, et le fun est assuré ! Alors, préparez vos planches et sortez votre carte de crédit, les plages du Pacifique seront bientôt à vous ! »

« C'est l'aîné de la famille, c'est pour ça d'ailleurs qu'il a ce nom à dormir dehors. Richard, Theodore, Aidan, Lennon Caulfield. En plus d'être le premier et d'avoir à se coltiner les prénoms qui se donnent de générations en générations au premier garçon de la fratrie, il a fallu qu'il naisse deux ans jour pour jour après la mort de John Lennon, et pour rien au monde notre hippie de mère n'aurait raté d'y faire hommage. Il est le seul à être né à San Francisco; notre père venait d'y ouvrir son tout premier hôtel. D'ailleurs, ça n'avait rien à voir avec ce qu'on connait aujourd'hui, c'était beaucoup plus petit, beaucoup plus simple... Enfin, je ne suis pas là pour vous parler de la chaîne Caulfield mais d'Aidan, même si les deux sont visiblement indissociables. Je sais qu'on dit souvent qu'il est une Paris Hilton avec du poil au menton; ça m'a fait drôlement rigolé d'ailleurs. Mais c'est faux, vous savez, ce n'est pas juste un "fils de". Il s'investit tellement dans tout ça, il passe ses journées à travailler, à chercher de nouvelles idées, de nouveaux créneaux. Il a déjà mis en place tellement de choses sous la direction de notre père ! Cette image de manipulateur égoïste est loin de la réalité. Vous savez, quand notre mère est décédée des suites d'un cancer, il n'avait que neuf ans et moi quatre; il a insisté auprès de notre père pour qu'il attende qu'on soit l'un près de l'autre pour qu'il ne me l'annonce. À partir de ce moment-là, il a grandi beaucoup plus vite que n'importe quel autre petit garçon, tout ça pour que moi, je puisse profiter d'une enfance "normale", pendant qu'il veillait sur moi comme notre mère avait veillé sur lui. Il m'obligeait même à ranger ma chambre ! Alors, même si c'est vrai que les quelques dérapages et étiquettes que les tabloïds lui collent sur le dos ne sont pas toujours très loin de la réalité, il est loin d'être ce snobinard prétentieux à qui tout est accessible en un claquement de doigt. Vous savez, ce projet au Vanatu, c'est vraiment son bébé. Il a imaginé ce concept de A à Z, il a tout préparé avant d'en parler à notre père, pour obtenir son accord final et rien de plus. J'espère que les gens le comprendront et saisiront la différence entre un hôtel Caulfield, luxueux, traditionnel, et un complexe Adventure Caulfield, qui associe cette même qualité de vie, paysage paradisiaque et sensations fortes. Ce coup-ci, c'est son propre rôle qu'il va tenir, pas celui de grand frère, d'associé, il va faire ce qu'il souhaite, et non pas ce qu'il a à faire.

« Non mais vous rigolez ? En quoi ma rupture avec lui ou ne serait-ce que ma vie privée vous regarde ? Je suis biologiste, bordel, je l'étais avant de me fiancer à lui, je l'étais pendant notre relation et je le serai pour le restant de ma vie. Alors si je viens ici, c'est pour vous expliquer comment ce putain de castor se reproduit avec sa compagne et pas comment Aidan sautait la moindre paire de fesses qui lui passait sous le nez ! En fait, si, vous savez quoi, je vais vous le raconter, comme ça on arrêtera une fois pour toute de me harceler avec ces questions. On s'est rencontré à l'université de Columbia, il était en dernière année d'économie, et moi, j'avais décidé de passer mon dernier semestre de biologie à New York. Je suis vite tombée sous son charme : il était ambitieux, plein de rêves, passionné. Bien sûr, j'avais bien remarqué qu'il aimait drôlement faire la fête lorsqu'il n'était pas absorbé dans son travail et que la réputation de sa famille l'amenait à rencontre beaucoup de monde, mais je ne m'en suis pas inquiétée plus que ça, pas même quand les versions de ses amis sur leurs soirées ne concordaient pas aux siennes ou que des rumeurs naissaient à propos d'un baiser avec la fille de machin à la fête de truc muche ou une partie de jambes en l'air dans le jacuzzi de bidule dans les Hampton ; non, il était trop droit, fort, honnête à mes yeux pour me mentir sur quoi que ce soit. Il n'avait déjà pas beaucoup de temps à me consacrer alors que nous étions encore en études, mais j'ai tout de même décidé de rester à New York plutôt que de rentrer en Angleterre une fois mon diplôme en poche. On s'est installé ensemble, j'ai trouvé un job minable dans une école du coin afin de pouvoir être le plus présente possible lorsqu'il n'était pas à l'autre bout du monde et après quelques mois, il m'a fait sa demande en mariage par vidéoconférence. Il était à Sydney pour rencontrer des investisseurs pour un projet dont il refusait de me parler, j'étais cloîtrée dans notre appartement par un jour de pluie et j'avais veillé tard pour attendre cet appel si important dont il m'avait prévenu par mail. Résolue à son manque de romantisme, j'avais trouvé ça original, adorable même qu'il pense à moi depuis l'autre bout du monde et j'avais accepté sans hésiter une seule seconde. Ce n'est que plus tard que j'ai appris que s'il était apparu torse nu à l'écran ce jour-là, ce n'était pas dû à la chaleur australienne comme il me l'avait dit, mais parce que la pouffiasse qu'il venait de sauter avait enfilé sa chemise pour descendre à la cuisine chercher de la crème fouettée. Si seulement vous saviez le nombre de choses que j'ai appris le jour où je l'ai découvert ! S'il n'y avait eu qu'une seule fille, j'aurais pu comprendre, j'aurais pu lui pardonner; mais il n'y en avait pas eu qu'une seule, loin de là. Et, pire encore, ce même soir, après cinq ans de relation, dont deux de fiançailles, j'ai appris, en même temps que tout un gratin de personnalités et de journalistes, qu'il allait entreprendre le chantier d'une version luxueuse du Club Med dans une région dont je lui avais parlé, bien des années plus tôt, en Océanie, car j'avais basé mon travail de diplôme sur la faune de ces régions, menacées par l'urbanisation intempestive dû aux touristes. Trois semaines plus tard, j'aurais épousé un homme qui me mentait depuis le début, me trompait, m'utilisait comme "faire-valoir écologique" pour cacher les dégâts engendrés par ses complexes pour richtons sans foi ni loi - mais qui, je suis sûre, ne m'a jamais aimée. Alors voilà, j'ai quitté le palace qu'il m'offrait, j'ai laissé tombé les repas gastronomiques et jolies robes à tour de bras, j'ai effacé les numéros des jet-setteurs du moment de mon téléphone et j'ai trouvé l'emploi de mes rêves dans une organisation de défense de l'environnement. Oh, d'ailleurs, si jamais la fille que tu as ramené chez toi s'est endormie tellement elle s'ennuyait et que tu pensais pouvoir te soulager devant cette émission "sexuelle", Aidan, sache que ce doigt, en plus de te dire que je t'emmerde, veut aussi te prévenir que l'étude de ton petit complexe de merde m'a été personnellement attribuée ! »